Episode 6 -Archingeay – terre d’accueil et refuge de penseurs

Parmi nos illustres habitants ayant foulé le sol Arcantois, nous comptons, entre autres, la famille Montaigne (cf épisode 4 et épisode 5 “si la Vallée m’était conté"). Nous remontons cette fois à l’époque Gallo-Romaine à la rencontre d’Ausone (rien à voir avec le célèbre groupe moldave interprète du célèbre “Dragostea din tei"). 

Archingeay autrefois

La découverte d’un énigmatique sarcophage

En 1790, une découverte, nous lance sur les traces de la famille d’Ausone. Si l’on en croit le “bulletin monumental”, il y est fait mention :

“En creusant près de l’église d’Archingeay on exhuma un sarcophage en pierre (….).

Le couvercle du sarcophage d’Archingeay était scellé avec du ciment. On y trouva parmi quelques débris d’ossements humains que le contact de l’air fit tomber en poussière, plusieurs ornements (bijoux) de femme, à savoir deux boucles d’oreilles en or (…), un anneau nuptial en cuivre doré portant un monogramme dont la décomposition donne les lettres “F o NT E” 

Le travail de ces divers bijoux paraissait appartenir au IVe siècle. Il est présumable que ce sarcophage sur le couvercle duquel était gravée une croix latine renfermait les restes d’une dame chrétienne qui étant venue prendre les eaux d Archingeay, avait succombé dans ce lieu à la maladie dont elle était atteinte et y avait été inhumée avec ses vêtements et ses bijoux selon l’usage pratiqué dans les premiers âges du christianisme.

Le monogramme de l’anneau nuptial forme les deux premières syllabes du mot FONTEIUS qui était vraisemblablement le nom du mari de la défunte. L’antiquaire Bourignon qui rapporte cette découverte pense que les restes mortels renfermés dans le sarcophage d’Archingeay pouvaient bien être ceux d Attusia Lucana, (… ) soeur de Sabına femme d Ausone laquelle était morte en Saintonge sous Gratien “.

C’est une hypothèse qui n’est pas créditée. Cependant, un autre ouvrage rédigé par Mr Bourguignon, le découvreur, lui-même explique :

“ Tout semble nous engager à placer cette maison de campagne d’Ausone aux Nouillers, le voisinage des eaux minérales d Archingeay qui devaient être en faveur de son temps ont pu le déterminer à chercher une retraite dans un lieu où il trouvait à la fois les agréments d’une société honnête, la jouissance d’un air pur et salubre et les douceurs inappréciables de la vie champêtre”.

Il n’est donc pas impossible qu’il ait lui aussi pris des bains dans notre village réputé en Aquitaine pour leurs vertus bienfaitrices de ces eaux.

Si l’on en croit l’excellent site memoiresdesnouillers.fr, il y est fait mention qu’ayant laissé à la postérité une vingtaine de livres, recueils de poésies et de correspondances. Il y fait des descriptions de ses villégiatures dans sa maison de campagne du Pagus Noverus. Par « maison de campagne », il faut comprendre tout un domaine agricole, où ses serviteurs cultivent les champs et la vigne, acheminant son vin à Saintes sur des chars traînés par des chevaux. (…)

De Hauteserre fut peut-être le premier à situer la résidence d’Ausone aux Nouillers en sa qualité d’historien et d’homme de lettres. Cela étant, une vingtaine d’années auparavant, Sanson, cartographe, publiait son atlas de la Gaule antique qui situait précisément le pagus noverus aux Nouillers.”

Mais qui était Ausone, le personnage illustre dont il est fait mention ? 

Sur les Traces d’Ausone

Decimus Magnus Ausonius (Ausone) naît en 309 ou 310 à Cossium (Bazas) ou à Burdigala (Bordeaux). 

Le jeune Decimus a un oncle, Arborius, qu’il aime comme son père. 

Grâce à cet oncle, Ausone est confié à des professeurs à Burdigala : le grammairien bordelais Macrinus, les grammairiens grecs Corinthius et Sperchius. Les penchants du jeune Decimus l’amènent plutôt vers l’éloquence et on lui donne comme professeurs de rhétorique Auscitain Luciolus Staphylius et le Bordelais Tiberius Victor Minervius.

Puis, toujours son oncle Arborius l’appelle à Tolosa (Toulouse) pour continuer son apprentissage.

Retour à Bordeaux

Après quelques plaidoiries sans grand succès, Ausone devient professeur de grammaire à Burdigala. Il épouse la fille d’un sénateur ami de son père, Attusa Lucana Sabina que l’on décrit noble et belle. Elle lui donne trois enfants. Ausinius qui meurt très jeune. Hesperius qui sera vicaire (prêtre adjoint à un curé) de Macédoine et une fille dont Ausone n’a pas laissé le nom mais qui fera deux beaux mariages (le préfet d’Illyrie puis le proconsul d’Afrique). Attusa meurt à 28 ans et Ausone ne se remariera jamais.

Ausone reste trente ans professeur à Bordeaux et gardera des liens quasi paternels avec un de ses élèves, le futur Saint-Paulin de Nole.

Ausone à la cour de l’empereur

La réputation de professeur d’Ausone amène l’empereur romain Valentinien Ier à lui confier en 367 l’éducation de son fils Gratien promis au trône. L’enfant a huit ans. Ausone rejoindra Valentinien et sa cour installée à Trèves (Allemagne). Ceux-ci sont chrétiens, Ausone, avec diplomatie, le deviendra aussi mais ne partagera jamais cette foi. 

Ausone chante la victoire de l’empereur sur les Alemanni (confédération de tribus germaniques sur le Haut-Rhin), le Danube, la Moselle, Trèves, Mediolanum (Milan)… Il deviendra questeur (magistrat comptables des finances, responsables du règlement des dépenses et de l’encaissement des recettes publiques). Après la mort de Valentinien en 375, Gratien lui ouvre des possibilités nouvelles.

Ausone devient  préfet, proconsul, consul. Ses titres valent même à son père, Julius Ausonius, qui bien qu’approchant les 90 ans, sera nommé préfet d’Illyrie (Albanie actuelle).

Les refuges de vieillesse d’Ausone

À la mort de Gratien en 383, Decimus rentre enfin à Bordeaux. On le voit dans ses villas, Lucaniacus, Pagus Novarus… ou à la Villula, où il passe ses dernières années. Il trouve le repos en ces terres Saintongeaises.

Ausone s’éteint vers 394. En laissant de nombreux poèmes. Il inspire de nombreux auteurs.

Une source d’inspiration de poètes

Ausone  sera honoré à la Renaissance. On pourra reconnaître par exemple dans la poésie de Ronsard (1524-1585), Mignonne allons voir si la rose, ou dans celle de Malherbe (1555-1628), Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille (Et rose elle a vécu ce que vivent les roses…) le poème d’Ausone.

En voici une traduction. Un poème empreint de philosophie.

Quam longa una dies, ætas tam longa rosarum,

Quas pubescentes juncta senecta premit.

Quam modo nascentem rutilus conspexit Eous,

Hanc rediens sero vespere vidit anum.

Sed bene, quod paucis licet interitura diebus,

Succedens ævum prorogat ipsa suum.

Collige, virgo, rosas, dum flos novus, et nova pubes,

Et memor esto ævum sic properare tuum.

La durée d’un jour est la durée que vivent les roses,

La puberté pour elles touche à la vieillesse qui les tue.

Celle que l’étoile du matin a vue naître,

à son retour le soir, elle la voit flétrie.

Mais tout est bien : car, si elle doit périr en peu de jours,

Elle a des rejetons qui lui succèdent et prolongent sa vie.

Jeune fille, cueille la rose, pendant que sa fleur est nouvelle et que nouvelle est ta jeunesse,

et souviens toi que ton âge est passager comme elle.

(Traduction : E. – F. Corpet)

Ausone – à la bonne vôtre !

Et si vous lisiez les poèmes en dégustant un bon vin ? Je vous conseille une cuvée du château d’Ausone, grand cru classé de Saint-Emilion qui lui fait encore honneur. Il serait construit à l’emplacement de la villae Lucaniacum, villa qu’Ausone aurait eu de son beau-père.

Archingeay – une terre d’accueil

Est-ce la douceur des terres Arcantoises, ces eaux, son calme, son charme qui attire tant de penseurs ? En tout cas, pour les proches d’Ausone, les Montaigne plus tard, il faut croire que notre village était un lieu privilégié pour se ressourcer. Un havre de paix où il fait bon vivre.

Si l’on en croit l’Insee, le recensement de 2019 montrait une légère baisse de population mais comptait 670 âmes. Comme Ausone,  parmi les habitants, de nouveaux venus, résidents de cœur, non de souche viennent ici goûter la Dolce Vita Arcantoise. Notre village est donc une terre d’accueil pour celles et ceux qui veulent y vivre.

Remerciements et sources

Je tiens à remercier l’Escòla Gaston Febus, un cercle dont la vocation est la promotion de la culture gasconne qui m’a permis de reprendre des extraits de l’article qu’ils ont publié. Son siège est au château de Mauvezin (65130). Sa présidente : Anne-Pierre Darrées.

Oeuvres d’Ausone, tome second, traduit par l’abbé Jaubert, 1769

Œuvres complètes d’Ausone, tome 1, E.-F. Corpet,  1842

Ausone et Paulin de Nole, David Amherdt, 2004

La correspondance d’Ausone et de Paulin de Nole, Pierre de Labriolle, 1910

Ausone et son temps, Camille Jullian

Bulletin monumental, ou, Recueil de documents et de mémoires relatifs aux différentes branches de l’archéologie – 1837 – page 43 et 44.

Recherches topographiques, historiques, militaires et critiques sur les antiquités gauloises et romaines de la province de Saintonge par F.-M. Bourignon – 1800 – pages 375 – 376

Mémoires des Nouillers : http://memoiresdesnouillers.fr/wiki/Ausone
Insee :  https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-17017

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